Natur é Vous - Un jus d'orange frais pour salariés pressés
Pourquoi pas des oranges, plutôt que des barres chocolatées ou du café dans les distributeurs automatiques ? Fin 2015, Thierry Amougou a eu l’idée de créer Natur é Vous, une start-up qui propose des distributeurs de jus d’oranges pressées. La société a déjà séduit une vingtaine d’entreprises et lieux publics au Luxembourg, et espère installer dix nouveaux distributeurs d’ici la fin 2017.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
« J’ai effectué une partie de ma carrière professionnelle en France, puis en Suisse, dans le secteur bancaire. Depuis quelque temps déjà, je souhaitais créer mon entreprise. À 35 ans, le moment est venu pour moi de me lancer. Après avoir effectué quelques recherches, j’ai eu envie de permettre aux personnes de s’offrir un produit sain et naturel à un prix abordable. Le jus d’oranges pressées frais me semblait répondre à ce besoin. C’est un produit bon pour la santé qui ne doit plus être un luxe. Un verre de jus d’orange industriel contient quatre morceaux de sucre, soit 93 % de glucides, autant qu’un soda. Un jus d’oranges pressées frais préserve ses vitamines, nutriments et enzymes. Il contient 70 % des besoins en vitamine C pour votre journée, avec un apport calorique moindre. J’ai prospecté le marché des fournisseurs de distributeurs, et les meilleures machines sont actuellement construites en Italie. Ce sont les leaders au niveau mondial, grâce à un système de pressage breveté. J’ai commandé une première machine, qui a été livrée au Luxembourg pour être mise en service dans une entreprise, puis d’autres demandes ont suivi. Aujourd’hui, le développement de la société s’accélère. Nous sommes actuellement trois collaborateurs.
Comment vous organisez-vous sur le terrain ?
« Nous maîtrisons l’ensemble de la chaîne. Nous sélectionnons et achetons les oranges auprès de grossistes locaux au Luxembourg, qui nous conseillent. Les oranges viennent de Sicile, du Maroc, d’Afrique du Sud, de Floride ou d’Espagne, en fonction des saisons. Leur qualité est primordiale. Nous négocions un prix fixe, sachant que pour 20 machines, les commandes avoisinent les trois tonnes d’oranges par mois… Nous installons les machines et nous organisons l’approvisionnement et la maintenance. Nous sommes disponibles 24 h /24 et intervenons immédiatement sur les machines, dès qu’un problème nous est signalé. À mes débuts, je faisais tout moi-même. Le matin, je partais nettoyer les machines, vider les écorces d’oranges, et l’après-midi, je troquais mon habit de travail contre un costume pour me rendre à mes rendez-vous. Heureusement, aujourd’hui je ne suis plus seul et travaille avec deux collaborateurs. Nous avons des règles d’hygiène très strictes. Pour assurer la conservation des oranges et les protéger contre les bactéries, nous maintenons la température à 5°C. Cette température est affichée sur l’écran du distributeur et permet de servir un jus de fruits frais. L’approvisionnement des oranges se fait une par une, avec des gants. Chaque machine contient 50 kg d’oranges et a une autonomie de 130 jus. Les oranges sont coupées en deux, et des tiges se glissent dans l’orange pour en absorber le jus, tout en évitant d’extraire les huiles et les pesticides contenus dans la pelure. Le consommateur suit le déroulement du procédé derrière une vitre. Le système de pressage est remplacé tous les jours et lavé à 90 °C.
L’intérieur et l’extérieur de la machine sont nettoyés au cours de la journée, et après avoir servi dix jus, un système d’auto-nettoyage est déclenché automatiquement. La télémétrie permet une gestion en temps réel et à distance du paramétrage, et contrôle en permanence le nombre d’oranges pressées et le bon fonctionnement de la machine. Ainsi, nous pouvons intervenir avant une pénurie d’oranges, un blocage de la machine, ou tout autre problème technique.
Quel est votre business model ?
« Nous avons trois formules. Nous pouvons louer la machine et offrir l’assistance technique du lundi au vendredi, la maintenance 24 h/24, l’approvisionnement des oranges et le nettoyage du distributeur chaque jour. Une autre possibilité est la mise à disposition avec subvention. C’est la formule la plus répandue et la plus appréciée. Dans ce cas, l’employeur participe à la santé des salariés, clients et visiteurs en versant un euro par consommation. L’entreprise cliente paie 400 euros par mois pour la location, la maintenance et l’approvisionnement de la machine, et chaque verre de 0,20 cl, préparé avec trois oranges, coûte 1 euro à ses salariés. Enfin, dernière option : la franchise. Nous louons la machine et formons les utilisateurs qui se chargent de l’approvisionnement et du nettoyage eux-mêmes. Nous offrons uniquement l’assistance technique et la maintenance. Je mets à disposition des clients une petite clé qu’ils peuvent charger directement sur la machine pour consommer un jus à tout moment, sans devoir chercher de la monnaie. Dernier détail qui a son importance : les écorces de nos oranges sont recyclées pour produire du gaz de ville, et les gobelets en plastique sont recueillis dans des bacs installés dans les bureaux ou à côté de la machine pour être également recyclés.
Qui sont vos clients et quelle est la consommation moyenne ?
« À l’heure actuelle, nous avons équipé des entreprises industrielles et des banques. Nous sommes en négociation avec d’autres établissements, plusieurs institutions publiques, centres commerciaux et lycées. Dans une entreprise de 1.000 personnes, la consommation moyenne est de 8 % par jour. Avec mes cinq premières machines, je vendais en moyenne 40 jus par jour. Actuellement, une vingtaine de consommations par jour me permettent d’être au point mort. Les bénéfices engrangés sont réinvestis dans l’entreprise. L’entreprise Maroldt, spécialisée dans les matériaux de construction, est notre plus gros client, avec 80 consommations par jour. Le distributeur de jus d’oranges pressées frais est très apprécié. L’entreprise compte 125 employés, et son directeur, Christian Maroldt, m’a confié un jour que le nombre d’arrêts de travail pour maladie était en nette régression l’hiver dernier, depuis l’installation du distributeur de jus d’oranges pressées frais. Alors, la ‘faute’ aux vitamines ? (Rires)
Quelle serait votre définition de l’entrepreneuriat ?
« L’entrepreneuriat, c’est rencontrer des difficultés et les gérer. Il y a des sacrifices à faire. En tant qu’entrepreneur, mon souhait serait de pouvoir me retrouver un jour autour d’une table avec l’ensemble de mes collaborateurs et de savoir que chacun vit avec sa famille grâce à mon projet d’entreprise. Ce serait ma plus grande fierté. Les salariés sont à mes côtés et m’aident. Si la société grandit, ils pourront acquérir des parts. Je veille aussi à garder une grande transparence vis-à-vis de mon équipe. Ils savent ce que l’on gagne et ce qu’il reste.
Avez-vous rencontré des difficultés et comment les avez-vous surmontées ?
« J’ai commis des erreurs de jeunesse, comme tout entrepreneur. Je voulais aller vite et je courais partout dès que l’on m’appelait, sans prendre le temps de réfléchir plus avant. Un jour, j’ai installé un distributeur au sous-sol d’une grande entreprise. Or, l’emplacement est primordial et se négocie avec le contrat. Le personnel, découragé, n’y allait presque jamais. J’avais moins de 10 consommations par jour ! Ce n’était tout simplement pas tenable… J’ai repris la machine pour l’installer au lycée Athénée, à proximité de l’entrée principale, et aujourd’hui, grâce à ce choix d’emplacement réfléchi, je compte en moyenne quelque 140 verres de jus frais servis par jour.
A-t-il été difficile de trouver des financements ?
« En tant qu’ancien banquier, je savais que le chemin allait être difficile, les banques étant toujours un peu frileuses… Aucune banque n’a souhaité investir dans mon projet. J’ai eu la chance d’obtenir un soutien de la part de la Mutualité de cautionnement et d’aide aux commerçants, créée par la Chambre de Commerce, qui m’a fait confiance. La MCAC m’a proposé une assistance pratique et financière à la création de ma société. Luxinnovation, l’Agence nationale pour la promotion de l’innovation et de la recherche, m’a également aidé en matière de conseils et de visibilité. Je travaille 12 à 13 heures par jour, week-end compris. J’ai su établir un climat de confiance et donner une image sérieuse et professionnelle de mon activité.
Avez-vous des projets ?
« J’envisage d’organiser des jeux-concours sur le thème de la santé et du bien-être, en partenariat avec des centres sportifs, qui pourront proposer des séances de sport à gagner. La gestion du site et des médias sociaux est assurée actuellement par une agence. Notre site offre l’accompagnement par un nutrithérapeute, qui répond aux questions des consommateurs. À terme, la communication et les campagnes seront conçues et menées par une équipe interne. J’ai également des projets pour étendre mon activité en Grande Région.
Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?
« Mon meilleur souvenir à ce jour est ma rencontre avec madame Conny Schneider de Post Luxembourg, responsable des cantines, avec qui j’ai signé mon premier contrat. Elle m’a dit : ‘Votre concept est superbe !’. Je suis reparti, il pleuvait, mais je trouvais qu’il faisait beau ! (Rires)
Auriez-vous un conseil à donner à un jeune entrepreneur ?
« Pour réussir, il ne faut jamais abandonner. Le choix de l’équipe est très important. Avant de se lancer, il s’agit de dialoguer avec des personnes qui ont de l’expérience, il faut écouter et observer. Mais il faut aussi se faire plaisir, penser à l’idée, avant de penser à l’argent. Pour bien faire, il est nécessaire de mettre la satisfaction du client au coeur de son activité et de préserver la relation de confiance établie. »
Texte : Marie-Hélène Trouillez - Photos : Laurent Antonelli / Agence Blitz
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